"Les magiciens doivent exister seuls sans industrie" : Gilles Arthur, magicien et producteur, vous dévoile tous les secrets de la magie
"Les magiciens doivent exister seuls sans industrie" : Gilles Arthur, magicien et producteur, vous dévoile tous les secrets de la magie
Passionné de magie depuis sa plus tendre enfant, Gilles Arthur est devenu magicien professionnel à seulement 16 ans. Fin connaisseur de la discipline, il s'est longtemps produit aux quatre coins du monde pour fasciner le public avec ses tours spectaculaires. Aujourd'hui plus discret sur scène, il continue pourtant à faire rayonner la magie grâce aux nombreuses émissions et spectacles qu'il produit. Parmi elles, les Madrakes d'or, une cérémonie qui récompense les meilleurs magiciens du monde entier. Le prochain rendez-vous aura lieu le 23 octobre au Casino de Paris. En attendant, découvrez-en plus sur la magie dans cet entretien exclusif avec Gilles Arthur.
Gilles Arthur, vous êtes un magicien reconnu à l’international. Véritable passionné, vous œuvrez en permanence pour mettre en avant la magie en France et dans le monde. D’où vient cette passion ?
G.A : Enfant, j’étais passionné par les farces et attrapes et les tours de magie. Un jour, j’ai rencontré un magicien qui est venu animer une soirée à un anniversaire. Ça a été une révélation. Immédiatement, j’ai attrapé le virus et cherché à comprendre comment on devenait magicien. Je l’ai donc contacté et découvert cet univers. Étant encore mineur, j’ai commencé à apprendre la magie auprès des autres jusqu’au jour où j’ai passé un examen pour devenir magicien dans des associations professionnelles.
Existe-t-il une formation pour devenir magicien ?
G.A : C’est assez complexe. La plupart du temps, on s’approche des magiciens et on apprend qu’il y a des structures associatives dans tous les pays du monde qui regroupent les magiciens. Elles organisent des réunions à thèmes, et on apprend à ce moment-là. Quand on est suffisamment prêts, on se jette à l’eau en exécutant des numéros. La plupart du temps, on démarre par des tours de cartes parce que c’est plus simple à produire. Nos proches et nos parents sont notre premier public. On progresse à la fois individuellement et collectivement, auprès du contact des autres magiciens et de l’industrie des marchands de trucs à travers le monde. C’est une industrie un peu particulière et privée où l’on trouve des livres et des DVD sur les sujets magiques pour en découvrir les secrets.
Justement, parlons des secrets de la magie. Comment les magiciens font pour garder cette part de mystère ?
G.A : Dans notre déontologie, on doit garder nos secrets et ne pas les révéler au grand public. En réalité, tout le monde peut devenir magicien. La protection se fait naturellement. Pourquoi quelqu’un achèterait un livre sur les tours de cartes s’il n’a pas envie de faire des tours de cartes ? Ceux qui ont envie découvrent les secrets, et la magie avance comme ça.
Quelles qualités faut-il pour devenir magicien ?
G.A : Je pense qu’il faut être soi-même et passionné, comme dans tout milieu artistique. La magie est tellement variée et va du petit tour de manipulation aux grandes illusions scénarisées. On peut tellement trouver de styles différents qu’il ne faut pas se tromper de style et faire la magie qui correspond à sa propre personnalité.
Quelle est la différence entre un magicien et un illusionniste ?
G.A : Illusionniste, c’est le vrai terme. Il désigne celui qui fait des illusions principalement sur scène. Un prestidigitateur fait des tours avec ses doigts, pas spécialement sur scène. Quand on met un prestidigitateur et un illusionniste dans un chapeau, ça donne le magicien. Ce mot sert à faire rêver, car la véritable signification d’un magicien est quelqu’un qui a des pouvoirs. Nous n'en avons pas, nous sommes des illusionnistes et des prestidigitateurs.
Et vous, comment innoviez-vous en permanence lorsque vous étiez magicien ?
G.A : Comme j’ai été magicien très tôt et que j’ai vite été médiatisé, j’ai naturellement inventé des tours. Dans les années 1990, je produisais artistiquement l’émission “Attention magie” sur France 3. J’avais envie de faire des gros tours car à cette époque, la mode était la surenchère du tour de magie le plus spectaculaire. David Copperfield faisait disparaître la Statue de la Liberté, et moi en France, j’ai fait disparaître la Tour Eiffel. J’ai foncé dans un mur en moto, j’ai tordu des réverbères dans les rues de Paris, je me suis fait écrasé par un train à pleine vitesse… J’étais inventeur de mes propres tours.
Et aujourd’hui, quelle est la tendance du moment ?
G.A : C’est évidemment le mentalisme. C’est assez complexe parce que le grand public ne sait pas trop si ce sont des magiciens ou pas. Bien évidemment, personne ne lit dans des pensées. Ce sont des tours de magie. Le mentaliste a envie de faire croire qu’il a un pouvoir, et le public a envie de rêver en croyant que la personne a des pouvoirs. Donc tout le monde est content.
Les grandes illusions fonctionnent-elles toujours autant ?
G.A : Bien sûr ! Et elles ont des technologies de plus en plus performantes. La magie évolue comme le monde, avec ses technologies et ses modes. La grande illusion, comme le mentalisme ou encore le close-up (la magie de près). Aujourd’hui, il y a une révélation comme dans les années 1990. Dans la manipulation par exemple, il y a eu une révolution essentielle il y a une dizaine d’années.
On connait tous David Copperfield ou Garcimore qui sont des références internationales dans la magie. Y a-t-il une nouvelle génération de magiciens ?
G.A : Il y a une évolution médiatique qui fait qu’en fonction de sa tranche d’âge, on ne connaît pas les mêmes magiciens. C’est la première fois que cela se passe dans le milieu de la magie. Quand je suis arrivé sur les ondes de TF1 en 1997, j’étais déjà le nouveau magicien parce que j’arrivais en jean alors que l’habit de référence du magicien était la queue-de-pie. Aujourd’hui, Éric Antoine est arrivé en mêlant la magie avec l’humour. En fait, tout le monde arrive en révolutionnant la magie car de nouvelles générations arrivent et renouvellent le milieu.
Que pensez-vous de cette nouvelle génération ?
G.A : Elle me fascine. Je pense par exemple à la magie virtuelle sur TikTok. Les puristes de la magie sont scandalisés par le fait qu’ils utilisent la vidéo. Moi, je suis plus modéré. Ça dépend s’ils le font bien ou pas. Cette constante évolution est folle. Le mentalisme est presque déjà en fin de parcours, alors que la magie vidéo n’est qu’à la naissance de son parcours.
Comment se porte le secteur de la magie aujourd’hui ?
G.A : Je trouve les politiques français assez timides sur le soutien de la magie en France. Pourtant, c’est un art français par excellence puisque le plus grand magicien de tous les temps est Robert-Houdin, qui est né à Blois. Je ne suis pas sûr que le Gouvernement sache qu’on est le pays de la magie. J’aimerais que toutes les manifestations de magie soient soutenues. Avec des moyens modestes, on ne peut pas aller au bout de nos idées. On pourrait aller beaucoup plus haut et fort. On a des magiciens d’exception en France. Je ne suis même pas sûr que les Français les connaissent. Les politiques auraient dû les honorer. Jan Madd, Gaëtan Bloom, Jean Merlin, Dominique Duvivier, Otto Wessely… il y a toute une génération de magiciens dans les années 1979/1980 qui ont fait le tour du monde en étant des représentants splendides de la magie françaises. Ils sont plus connus dans les pays étrangers qu’en France, je trouve ça navrant. Après, au niveau de la nouvelle génération comme Viktor Vincent ou Fabien Olicard sont extraordinaires aussi, mais ils ont une médiatisation plus facile aujourd’hui car Internet et les réseaux sociaux ont explosé. La génération d’avant est passée aux oubliettes et je trouve ça dommage. Les politiques ne connaissent pas donc ils ignorent. On est dans une spirale où les magiciens doivent exister seuls sans industrie comme celle de la musique ou du cinéma. Ils arrivent quand même à s’en tirer. On fait des scores incroyables sur des émissions de télévision, ce qui prouve que le grand public adore regarder des spectacles de magie.
On ressent en vous un vrai désir de partage ! Pourquoi est-ce si important ?
G.A : J’avais envie de transmettre des émotions aux gens et de partager. Contrairement à ce qui se disait lors de la crise du Covid, la culture est, selon moi, essentielle. Si on ne se cultive pas, on meurt intellectuellement. Il y avait ça dans mon ADN, même lorsque j’étais plus jeune. J’ai donc été taper aux portes des médias. À l’époque, j’ai dû convaincre plusieurs intermédiaires pour arriver à contacter Christophe Izard (concepteur de programmes jeunesse sur TF1, c’est lui a lancé “L’île aux enfants” avec l'emblématique Casimir, NDLR). Quand je l’ai rencontré, il a senti un intérêt et m’a proposé d’essayer une séquence dans “Les Visiteurs du mercredi” sur la fin de saison 1975. Ça a été positif, donc on a continué l’année d’après avec une autre séquence appelée “La magie, c’est facile” où j’étais adolescent et j’expliquais des cours aux jeunes de mon âge. Même si j’ai officieusement arrêté la scène après un Olympia il y a quelques années, j’ai quand même une petite idée derrière la tête. Je souhaiterais faire une conférence avec des images des plus grands magiciens du monde. J’ai une collection qui est probablement unique. Quand on a passé 60 ans, on a intérêt à transmettre le plus vite possible. Ma vie, c’est la magie depuis mes 15-16 ans. J’ai vraiment oeuvré pour mettre en valeur la magie. Mon rêve suprême serait que ça perdure après moi.
Parmi vos nombreuses initiatives pour faire rayonner la magie, vous avez créé les Mandrakes d’or. La 34ème cérémonie aura lieu le 23 octobre prochain au Casino de Paris. Comment est venue cette idée ?
G.A : Quand je suis devenu célèbre, j’ai tout de suite eu envie de mettre encore plus la magie en avant avec ma notoriété. J’ai donc créé un festival car je connaissais les plus grands magiciens du monde, et je me suis rendu compte qu’en France, personne ne les connaissait. À l’époque, j’habitais à Gagny, et les politiques de l’époque disaient de faire des évènements dans les banlieues. C’est ce qu’on a fait avec les Mandrakes d’or, en faisant léviter en clotûre du festival l’hôtel de ville de Gagny. Des milliers de gens ont assisté à cette grande illusion. Nos ambitions étaient très fortes. Je voulais faire venir les plus grands magiciens du monde pour les présenter au public français, non pas comme une soirée de remise de prix mais comme un applaudissement et une mise en avant des talents. Ce n’est pas une compétition mais vraiment un hommage à ces grands artistes.
C’est vous qui choisissez les magiciens ?
G.A : Oui et non. On a des structures associatives dans tous les pays du monde. J’en ai une également, elle s’appelle l’Académie Française des Illusionnistes. On fait appel aux grandes associations de chaque pays du monde en leur demandant de nous faire une liste des 30 plus grands magiciens de leur pays. On regroupe ces listes, et on a une liste des 30 plus grands magiciens du monde. Avec mes équipes, on essaye ensuite de composer un programme le plus éclectique possible. C8 nous permet de faire un joli programme, je suis très content. Avant le Casino de Paris, nous jouons dans deux villes. On joue d’abord le vendredi 20 octobre au Théâtre du Casino d’Enghien. Le lendemain, le samedi 21 octobre, on est au Théâtre André Malreaux de Gagny, là où sont nés les Mandrake d’or.
On a hâte de voir ça ! Un conseil pour tous les artistes inscrits sur Casting.fr ?
G.A : Écouter son coeur et pas les autres. Je crois que la réussite de sa vie ne passe que par qui on est et ce que l’on veut faire. Surmontez les temps difficiles, c’est ce qui mettra en valeur les temps du succès.
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