Freddy Viau, le metteur en scène de "La petite sirène" nous ouvre les coulisses des spectacles jeune public.

Freddy Viau, le metteur en scène de "La petite sirène" nous ouvre les coulisses des spectacles jeune public.

Freddy Viau, le metteur en scène de "La petite sirène" nous ouvre les coulisses des spectacles jeune public.

Bonjour Freddy Viau, vous êtes metteur en scène et avez réalisé plus d’une vingtaine de pièces. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de metteur en scène ?

F.V : J'aime mettre en scène, car cela fait appel à des notions et des qualités très variées et complémentaires. Étant par ailleurs comédien et auteur (j'ai écrit l'adaptation théâtrale du spectacle), je m'appuie constamment sur ces deux casquettes, d'écriture et d'interprétation. C'est très riche. Je guide les comédiens dans leur quête de vérité en faisant appel à mon instinct de comédien. Et pour trouver comment aborder chaque scène, je puise les réponses, dans le texte même, dans la lecture des situations, des personnages, la logique dramaturgique, donc un travail proche de l'écriture. Mettre en scène est par ailleurs un métier en remise en cause permanente, en recherche constante,  où il faut être très pédagogue, observateur, psychologue (chaque comédien a son propre fonctionnement, à découvrir). Mettre en scène c'est aussi accepter de douter tout en portant pleinement la responsabilité du spectacle, on est le capitaine du bateau, pour rester dans la métaphore maritime. ;-)

Avez-vous suivi une formation pour devenir metteur en scène ? 

F.V : Non, pas spécialement. J'ai suivi l'enseignement d'Alain Knapp au cours de l'Acteur-Créateur. Ces cours de théâtre étaient très complets. A l'origine, je venais me former en tant que comédien, mais la démarche d'Alain est notamment de révéler au comédien sa dimension d'acteur-créateur. Il m'a transmis la nécessité et le plaisir de décortiquer un texte, d'apprendre à le mettre en acte, et ça c'est de la mise en scène.  Je suis donc moi aussi depuis convaincu que l'acte théâtral est entier, que l'interaction entre interprétation, mise en scène et écriture est toujours présente. J'ai en sortant de cet enseignement eu assez vite envie de mettre en scène.  Et en commençant à le faire, j'ai lu de nombreux ouvrages sur la mise en scène, qui m'ont également beaucoup nourri.

Vous avez signé la mise en scène de la Petite Sirène, une pièce destinée à un public jeune. Pensez-vous que les enfants soient un public avec qui il faut être plus prudent quant aux subtilités qu’offre la scène ?

F.V : Oui et non. J'aborde le travail de mise en scène et de direction d'acteur sur le Jeune Public de la même façon qu'un spectacle destiné aux adultes. Il y a évidemment quelques spécificités. Mais qui sont tellement évidentes, qu'elles sont de l'ordre du réflexe : être vigilant au rythme des scènes, la durée du spectacle, la violence du propos ou des mots, … Pour le reste, je suis exigeant de la même manière avec les comédiens, je cherche à embarquer le spectateur même s'il est jeune dans un cheminement où il est confronté à une grande variété d'émotions, et parfois fortes, sans les édulcorer. 

Vous vous êtes formé au cours d’Alain Knapp, anciennement directeur de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg. Que vous a apporté cette formation ?

F.V : Tellement de choses. Je dois beaucoup à Alain Knapp. J'avais la flamme de l'art dramatique avant de le rencontrer, mais il a su éviter que ce ne soit qu'un feu follet, mon feu sacré est devenu grâce à lui un foyer sur lequel j'ai appris à souffler, à nourrir, à contrôler sans m'y brûler et dont je peux sans cesse raviver les braises.  Avant d'entrer dans son cours, je fonctionnais uniquement à l'instinct (ce qui est déjà pas mal). Mais Alain m'a donné la conscience des choses, la clé du pourquoi telle chose semble plus juste que telle autre, le goût de la lecture, de la recherche, des textes, de l'improvisation, de désacraliser pour mieux re-sacraliser. Je lui suis très reconnaissant et ai eu beaucoup de chance de le croiser sur ma route.    

Vous êtes auteur et comédien. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de jouer au théâtre ? 

F.V : C'est évidemment ce rapport avec le public, direct,  sans écran, sans filtre, de jouer là maintenant pour des gens venus pour ça. On a un retour immédiat de ce qu'on offre, de notre engagement sur le plateau, c'est une émotion forte, frustrante parfois, décevante aussi quand on n'a pas été à la hauteur. La bataille est permanente. On ne peut jamais se reposer sur ses lauriers. Ce n'est jamais gagné. Quand on croit toucher du doigt la vérité, la représentation suivante on peut avoir le sentiment de ne plus rien réussir, de ne plus comprendre. Il faut se remettre en cause tout le temps. Revenir au texte, qu'est-ce qu'on joue, pourquoi on le joue. Comment faire toujours mieux en faisant toujours plus simple. La pratique de la scène impose forcément la modestie, car cela restera toujours un artisanat.

Vous avez signé la mise en scène de vos écritures (Dard Dard, Morloup…). Est-ce une consécration pour vous de mettre en scène ces écrits ?

F.V : Une consécration, je ne suis pas bien sûr. :-) C'est le public seul qui consacre, et pour lui,  que l'écriture provienne ou non du metteur en scène ne lui semble pas très important.  Ce qui compte, c'est que l'écriture soit intéressante et que le spectacle soit bon. C'est en tout cas très jouissif de mettre en scène ses propres textes. C'est accompagner plus longuement une histoire, un propos, une parole qu'on a envie de prendre. L'auteur quand il confie son texte à un metteur en scène doit accepter d'en faire un peu le deuil, il transmet son histoire. Et du coup quand on met en scène son écriture, on a la possibilité de prolonger le plaisir de cette prise de parole plus longtemps. Mais il faut aussi reconnaître que c'est source d'angoisse. Quand on bute dans la travail d'une scène, on sait aussi que c'est parfois lié à l'écriture. On ne peut s'en prendre qu'à soi.

Hormis La Petite Sirène, vous avez écrit, adapté et mis en scène une douzaine de spectacles Jeune Public. A long terme, souhaiteriez-vous vous spécialiser dans la création de pièces destinées aux plus jeunes ?

F.V : Me spécialiser, non je ne pense pas. Continuer à en faire, ça oui.  Je le revendique.  Je préfère ouvrir des portes plutôt que d'en fermer. Ce que j'aime c'est naviguer (pour rester dans la métaphore marine !) dans des univers variés.  C'est important pour se renouveler.  J'aime passer de la mise en scène d'un spectacle Jeune Public à celle d'un auteur contemporain. D'un classique à la comédie de boulevard. Du spectacle musical au one-man-show. Dépasser les frontières des genres. Seul compte l'envie de porter sur scène un propos, quel qu'en soit la forme et le format. Mais amuser, émerveiller, émotionner les enfants restera quelque chose de très épanouissant. Et je  m'insurge contre le fait que le Jeune Public soit un sous-genre. Bien au contraire.

Quels conseils donneriez-vous aux membres de Casting.fr qui souhaiteraient écrire leurs propres pièces et devenir metteur en scène ?

F.V : Ne rêvez pas de faire, faites ! Essayez.  Pour écrire, c'est tout bête, mais écrivez ! Il n'y a pas grand risque à tenter de le faire, même si vous avez le sentiment d'accoucher de quelque chose de mauvais, sans intérêt, c'est déjà de la matière. L'important est de sortir du vide, de commencer à faire jaillir  une première base. Pour les metteurs en scène, il faut développer le goût de la lecture des pièces, le plaisir d'accompagner des comédiens, de les aimer, et de la même façon, être dans le « faire » ! Si la prise de parole est forte et nécessaire, elle sera forcément entendue, qu'elle soit dramatique ou légère ! Et n'oubliez pas de vous amuser. Ce n'est que du théâtre.  Même si on ne sait pas ce qu'il peut se passer.  Est-ce qu'Andersen pouvait imaginer 181 ans après l'invention  de son histoire que des enfants viendraient au Lucernaire pour voyager dans les profondeurs de la mer. 

Retrouver le spectacle de "La petite sirène" mis-en-scène par Freddy Viau au Lucernaire du 14 mars au 6 mai.